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Les paroles de la chanson
« Sémaphore »
Morice Benin

J’ vis au coeur d’un champ de bataille
Parmi mes frères ennemis
Moitié homme, moitié sauvage
Moitié silence, moitié cri

Séparé par tant de malheurs
Réuni par tant de beautés
Affolé par le fil des heures
Apaisé par l’éternité

Ecartelé dans l’infini
Ou fusionnant dans le cocon
De bonheur, cent fois trop fragile
Tant il se suspend dans le vide

Et je continue de chanter
De marée haute en marée basse
On a la tête comme une lame
Pour se faire hara-kiri
Quand on parle de vivre sans la vivre

J’ suis né dans un pays bizarre
En cette année de l’après-guerre
Où le Français, beau et superbe,
Se prenait pour l’ père de la Terre

Notre splendide civilisation
Avait érigé des décrets
Pour empêcher les p’tits Arabes
D’aller pisser dans leur quartier

Et l’on voyait des citadelles
Où les chaouchs et les fatmas
Avaient la porte grande ouverte
Pour torcher le cul colonial

Des écoles, ô combien françaises
Pour apprendre l’atrocité
D’un matérialisme obèse
Qu’on nous faisait miroiter
Comme le paradis de l’Humanité

Maint’nant je rêve d’une vie tangible
Faite de paroles et de signes
Loin des paradis celluloïdes
D’ l’Assedic et des vitamines

J’aimerais qu’ les hommes soient égaux
Dans l’écrabouillement des mythes
Dans la cassure de nos ego
Pour laisser couler la musique

Qui nous engendre et nous relie
Dans nos îles désertes fétides
Pour voir s’él’ver un continent
Pour que du désert nous sortions

A contre-courant de ma vie
Au bout du ruisseau de mon enfance
A la source des origines
Eclate un mystère étonnant :
Qu’est-ce que je fous sur cette Terre?

Si j’vous ai parlé de ma personne
C’est pour vous parler du sens
Que je trouve à notre passage
Sur cette Terre incandescente

Que nous servions de sémaphores
Aux générations à venir
Que du tremplin de notre mort
Elles s’élancent enfin pour vivre

Que nous leur payions un chemin
Défrichant la jungle du monde
Comme une piste, comme une sonde
Un don pour qu’ils vivent demain
Un peu moins balourds que nous

Nous ne sommes que des étoiles
Clignotant dans l’infini
Qui s’éteindront au matin blême
Ne laissant que des souvenirs
A nos enfants qui se rappellent
Et qui perpétuent... la parole
La parole