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Les paroles de la chanson
« Les musiciens »
Léo Ferré

Ils traînent leurs violons au-delà des portées
La clarinette au bec, fumant des pastorales
Et la clef sur la table, on les voit s’en aller
Vers des pays là-bas, devant leur vitre sale

Ils dérangent la flûte en y soufflant dessus
Pour mieux voir dans la nuit flâner les violoncelles
Au bras d’une harpiste inquiète et survenue
Juste après qu’un violon l’eût prise en chanterelle

Les ailes du génie à portée de leurs bras
Croyant tout inventer, ils réinventent tout
Debussy à la plume et Schubert dans la voix
Ils s’envolent dans des oiseaux de quatre sous {x2}

Sur leur papier tout pâle, ils écoutent chanter
Les hasards de la rue et leur pauvre musique
Dans l’ombre de Bayreuth pendant qu’un groupe anglais
Tire inlassablement ses salves électriques {x2}

Ils traînent leurs portées au-delà des violons
Ils dérangent la nuit dans le bruit du silence
La tête achalandée de dix mille chansons
Le sourire des larmes au bord d’une cadence

Ils maquillent l’orgueil au bras des vanités
Ils se tirent dessus quand ils n’ont plus de cible
Ils se montrent du doigt du bout de leur archet
Qui pend ses cheveux blancs à leurs cordes sensibles

Les portes du destin s’entrouvrant par hasard
Par une clef de sol devenue pathétique
Le choléra de Tchaïkovski sur le boulevard
La rage de Berlioz comme un chien fantastique {x2}

Alors, dans leur miroir, ils regardent passer
Les chevaux de Mozart à sa dernière fête
L’oreille de Beethoven en train d’imaginer
Pour la neuvième fois des symphonies muettes {x2}

Les musiciens, les musiciens