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Les paroles de la chanson
« Les épices du souk du caire »
Bénabar

Un bébé encadré sur une étagère
Un souvenir de vacances, un anniversaire.
Une fille qui sourit coincée dans un sous-verre
Un cadre fantaisie, un bord de mer
Et personne ne bouge
Dans la tribu des yeux rouges
Tous différents
Les mêmes photos pourtant.

Les grands derrière, les p’tits devant.

Quelques photos de couple
Exposées comme des preuves
Des photos de groupe
Des amis qu’on punaise.
On vérifie d’ailleurs
L’air de rien chez les autres
Qu’on fait partie des leurs
Qu’à côté de leurs têtes
Y a la nôtre.
Sur la cheminée du salon des grands-parents
Le casting tout entier de tous les p’tits enfants

Les grands derrière, les p’tits devant.

Les albums familiaux sont les manuels d’histoire
Qu’on regarde jamais, qu’on réserve au placard.
Quand il était jeune, quand t’étais petit
Quand elle était enceinte, quand ils étaient en vie.
Portraits de fin d’année des gosses trop bien peignés
On dirait vraiment qu’ils ont mangé du ciment.

Les grands derrière, les p’tits devant.


La photo censurée
Elle s’y trouvait pas belle
Aussitôt développée
Direct à la poubelle
Mignonne en paréo
Au retour de la plage
Elle enlèvera pas le haut
C’est dommage.

Le portrait qui fait rire
Du permis de conduire
Celui qui fait peur
Qu’est-ce que c’est qu’cette coiffure?
Qu’elles soient en couleur
Ou bien en noir et blanc
On fait tous, quelle horreur!
Les mêmes photos tout l’temps

Les grands derrière, les p’tits devant.


Qu’est-ce qui nous pousse au fond à refaire à la chaîne
Tous les mêmes photos qu’on a vu par centaines
Des photos de monuments qui sont jamais très belles?
Mais c’est nous qui l’a fait, c’est pas la carte postale.
Les photos de voyage à l’autre bout de la terre
Les mêmes paysages, les mêmes belvédères.
Nous sur un chameau, nous au ski en hiver
Re-nous sur un bateau, et les épices du souk du Caire.
Re-re-nous à Pâques, y a deux ans déjà
Re-re-re-nous à la Toussaint à côté d’Etretat.
C’est vrai qu’on voit pas bien, que la photo est mauvaise
Mais par la salle de bain je te jure on devinait les falaises!
Et ces photos souvenirs qu’on stocke acharnés
Pour pas qu’on puisse nous dire qu’on n’a pas profité.
Rangées dans un tiroir celles qu’on veut plus voir
Et classées dans des livres des photos d’archives.
J’ai encore jamais vu et ça, chez personne
Sa copine toute nue au-dessus du téléphone
La photo d’son patron dans aucun salon
Mais des vues de bords de mer
Ah ça putain on sait l’faire!

Qu’on les range en vrac, qu’on les colle au mur
Au fond d’un portefeuille ou dans un disque dur.
Au fin fond de la Creuse, à Paris 16ème
On prend les mêmes poses, nos photos sont les mêmes.
Qu’on soit le frère, la sœur, les parents, la tante
Toujours les mêmes photos, mates ou brillantes.
Des images inutiles sur toutes les vieilles pierres
Le Mont Saint-Michel, et les épices du souk du Caire.