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Les paroles de la chanson
« J'habite à drancy »
Jean Guidoni

Je contrôle des cylindres
Ouais, c’est ça mon bizness
Et j’attends calmement
Que ces tubes en ciment
Aient bouffé ma jeunesse
Je dis pas ça pour me plaindre

Le soir, après les courses
Je grimpe mes quatre étages
Et je regarde la télé
Devant mes surgelés
Courir c’est plus d’ mon âge
C’est vrai, j’ vis comme un ours

Après, j’ me couche et j’ pense
A des riens, à mes traites
A tous mes petits soucis
Moi, j’habite à Drancy
A la cité de la Muette
On peut dire que j’ai d’ la chance

Cité de la Muette, tu parles!
Mais pas muette pour tout l’ monde
Si seulement, une nuit, j’ pouvais vraiment dormir
S’il n’y avait pas toujours ces drôles de voix qui grondent
S’il n’y avait pas ces murs à sans arrêt gémir

Qu’est-ce qu’elle a cette baraque à grincer comme un brick?
Qu’est-ce qui peut bien comme ça devoir la tourmenter
La faire pleurer d’ tous ses moellons et de ses briques
Et me faire somnambule dans mon F3 hanté?

Ce soir, je n’ veux plus d’ pleurs
J’ai trop besoin d’ silence
Et m’ voilà dans la nuit
A faire la chasse au bruit
Frappant avec violence
Mon vieux papier à fleurs

Montrez-vous, les fantômes,
Que je gueule à perdre haleine
Mais soudain, je n’ chante plus
Heurté comme par un flux
Par une marée humaine
Un effarant monôme
Et voilà que j’ commence
A mieux voir des silhouettes
C’est ceux qui campent ici
Dans mon F3 de Drancy
A la cité d’ la Muette
Vous parlez d’un coup d’ chance!

Ils sont vraiment partout et, sans me voir, vont et viennent
On dirait, ma parole, qu’ils sont ici chez eux
Ils sont tout occupés à des tâches quotidiennes
Mais, à leurs gestes, je vois quelque chose de fiévreux

Ils raccommodent des loques, ils astiquent des gamelles
D’autres qui ne faisaient rien, soudain, se mettent en rang
Pour crier des prénoms... Simon, Henri, Rachel
Aimé, Dora, Maurice, Lucienne, David, Laurent

Et maintenant, je sommeille
En plein milieu d’ la foule
M’habituant à ces gens
Moi aussi criant : Jean!
Avec la chair de poule
Quand un cauchemar m’éveille

Alors, j’ vais à ma fenêtre
Regarder le trafic
Des nouveaux arrivants
Des nouveaux revenants
Selon l’obscure logique
Que nul ne doit connaître

On leur donne des quittances
Pour les biens qu’ils remettent
En disant : Grand merci
On vit de peu à Drancy
A la cité d’ la Muette
Rendons grâce à la chance

Dormez si vous pouvez, étrangers dans mon gîte
Dors, toi, vieil antiquaire adossé au frigo
Toi, tailleur du Sentier que la frayeur agite
Dors, toi, le Polonais; dors, toi, le Parigot

Et toi, le doux poète, Max, si tu peux, repose
Parmi tous ces enfants dans ma chambre d’amis
Qu’une femme en pleurs berça en leur chantant les roses
Prêtes à cueillir là-bas et qu’elle y endormit

Demain, avant le jour
Tout rentrera dans l’ordre
Et vous serez tondus
Il est bien entendu
Que les chiens sont là pour mordre
En route et bon séjour

On va repeindre vos turnes
Mettre du papier à fleurs
C’est la crise du logement
On n’ peut éternellement
Se r’couvrir de malheur
Et de cendres sans urnes

Partout, y a des nuisances
Faut plonger sous sa couette
Essayer de faire comme si
Moi, j’habite à Drancy

A la cité d’ la Muette
On peut dire que j’ai de la chance