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Les paroles de la chanson
« Cayenne »
Nicolas Bacchus

Ô mon vieux Maroni, ô Cayenne la douce!
Je vois les corps penchés de quinze à vingt fagots
Autour du mino blond qui fume les mégots
Crachés par les gardiens dans les fleurs et la mousse

Un clop’ mouillé suffit à nous désoler tous
Dressé seul au-dessus des rigides fougères
Le plus jeune est posé sur ses hanches légères
Immobile, attendant d’être sacré l’époux

Et les vieux assassins se pressant pour le rite
Accroupis dans le soir tirent d’un bâton sec
Un peu de feu que vole, actif, le petit mec
Plus émouvant et pur qu’une émouvante bite

Le bandit le plus dur, dans ses muscles polis
Se courbe de respect devant ce gamin frêle
Monte la Lune au ciel. S’apaise une querelle
Bougent du drapeau noir les mystérieux plis

T’enveloppent si fins, tes gestes de dentelle!
Une épaule appuyée au palmier rougissant
Tu fumes. La fumée en ta gorge descend
Tandis que les bagnards, en danse solennelle

Graves, silencieux, à tour de rôle, enfant
Vont prendre sur ta bouche une goutte embaumée
Une goutte, pas deux, de la ronde fumée
Que leur coule ta langue. Ô frangin triomphant

Divinité terrible, invisible et méchante
Tu restes impassible, aigu, de clair métal
Attentif à toi seul, distributeur fatal
Enlevé sur le fil de ton hamac qui chante

Ton âme délicate est par delà les monts
Accompagnant encor la fuite ensorcelée
D’un évadé du bagne, au fond d’une vallée
Mort, sans penser à toi, d’une balle aux poumons

Élève-toi dans l’air de la Lune ô ma gosse
Viens couler dans ma bouche un peu de sperme lourd
Qui roule de ta gorge à mes dents, mon amour
Pour féconder enfin nos adorables noces

Colle ton corps ravi contre le mien qui meurt
D’enculer la plus tendre et douce des fripouilles
En soupesant charmé tes rondes, blondes couilles
Mon vit de marbre noir t’enfile jusqu’au cœur

Regarde-le dressé dans son couchant qui brûle
Et va me consumer! J’en ai pour peu de temps
Si vous l’osez, venez, sortez de vos étangs
Vos marais, votre boue où vous faites des bulles

Âmes de mes tués! Tuez-moi! Brûlez-moi!
Michel-Ange exténué, j’ai taillé dans la vie
Mais la beauté Seigneur, toujours je l’ai servie
Mon ventre, mes genoux, mes mains roses d’émoi