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Les paroles de la chanson
« À vendre »
Léo Ferré

Je vendrais de l’amour si l’amour est à vendre
Je vendrais des jardins si ça poussait chez moi
Je vendrais un pendu si je pouvais me pendre
Je vendrais la Folie si les fous se vendaient

Je vendrais du whisky comme un chagrin de grain
Je vendrais des canaux aux télés assoiffées
Je vendrais votre lit, Madame qui passez
Je vendrais mon chandail quand ma brebis tricote

Je vendrais le Pouvoir si je pouvais le vendre
Je vendrais mes chansons aux coqs à coqueluche
Je vendrais les chasseurs, même au mois de septembre
Et je vendrais leurs chiens si mes chiens me le disent

Je vendrais l’Arabie pour douze sacs d’avoine
Je vendrais mon cheval s’il mangeait de l’essence
Si je vends mon enfer pour me chauffer l’hiver
J’écouterais le tien sur mon vieux pornographe

Je vendrais la marée à la mer sans courage
Je vendrais la boussole à toi qui perds le Nord
Je vendrais la pampa aux plantes carnivores
Et je vendrais le bruit au silence de mort

Je vendrais la passion si tu me la donnais
Je vendrais l’inversion si tu viens à l’envers
Je vendrais le courage aux sans peur ni reproche
Et je vendrais l’enfer pour un demi de bière

Je vendrais l’Amérique aux Indiens de Nanterre
Je vendrais Robespierre à ceux de soixante-huit
Je vendrais soixante-huit aux Communards, mes frères
Je vendrais la Commune si cela se vendait

Je vendrais les patrons aux ciseaux de ma mère
Je vendrais du Corton au dernier, pour la route
Je vendrais l’essentiel au seuil de la mémoire
Je vendrais les douaniers aux frontières du doute

Je vendrais la Justice aux anars de service
Je vendrais les ordures aux parfums de Madame
Je vendrais le sourire aux larmes qui se cherchent
Et je vendrais l’automne à celles qui se trouvent

Je vendrais des psychiatres à la géométrie
Je vendrais du psychique à la matière inerte
Je vendrais des rivières aux deltas de la nuit
Je vendrais de l’absinthe à l’espérance verte
A l’espérance verte

Je vendrais les baleines aux corsets de naguère
Je vendrais les outrages aux hommes à genoux
Je vendrais les aurores aux aubes qui s’oublient
Et je vendrais des armes à la mélancolie

Je vendrais un instant au Temps du relatif
Je vendrais quelques volts aux galaxies éteintes
Je vendrais Nulle part à des prix prohibitifs
Je vendrais la Raison à des prix hors d’atteinte
La Raison à des prix hors d’atteinte

Il ne reste que moi qui ne suis pas à vendre
Alors, tu es passée et je me suis donné
A toi
Pour rien
A toi
Pour rien
Pour rien!