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Les paroles de la chanson
« À léo »
Francis Lalanne

A Léo,
Un jour, tu trouveras cette âme défendue
Celle qu’en toi tu fuis par crainte du parjure
Et qui te dit "Prends garde à chaque main tendue!"
Un jour, l’ami viendra, le vrai, je te le jure
Un jour, tu trouveras ce frère de printemps
Ce jardinier des coeurs, enfant des Hespérides!
Et qu’il soit jeune ou vieux, vous irez hors du temps
Cueillir les pommes d’or qui poussent sous les rides

Il sera tes vingt ans, ces vingt ans éternels
Que tu crois disparus quand ta cheville flanche
Il te rendra le goût des élans fraternels
II lavera du gris ta chevelure blanche
Et dans l’obscurité qu’on nomme les vieux jours
Il fera de tes mots, de grands yeux de lumière
Tels ceux de ces oiseaux qui la nuit voient toujours
Célébrant le soleil à son aube première

Et tels deux rois hiboux contemplant l’avenir
Vous ferez de chacun de vos regards un rêve
Et chaque instant pour vous passera sans finir
Et chaque nouveau jour sera comme une trêve
Un jour, tu trouveras ce Mozart de cent ans
Ce Rimbaud de demain, qui sera ton élève
Et tu retrouveras dans ses vers palpitants
Ce goût d’air du matin de soleil qui se lève

Même si de ton âge il n’a que la moitié
Par la plume, il aura celui de tes artères
Ensemble, vous aurez celui de l’amitié
Celui de vos secrets, celui de vos mystères
Et vous inventerez de nouveaux lendemains
De nouveaux mots d’amour, de nouvelles musiques
Et vous tuerez la mort ensemble et de vos mains
Vous rendrez du malheur le bonheur amnésique

Vous parlerez des femmes, des plaies qu’elles vous font
Des copains disparus et des faux camarades
Et de tous vos regrets, vous toucherez le fond
Pour remonter plus haut que leurs sombres parades
Alors vous planerez au-dessus de ceux-ci
Au-delà de ceux-là, comme deux grands rapaces
Deux voyageurs du temps, voyageant sans souci
Échangeant leurs pensées, leur temps et leurs espaces

Alors vous parlerez en notes comme en vers
En couplets, en refrains, en chansons, en poèmes
Et parcourant en long, en large l’univers
Vous ne ferez plus qu’une de vos deux bohèmes
Vous irez au café des anges écrivains
Vous irez boire avec Verlaine, Apollinaire
Et Baudelaire aussi, goûtant à tous les vins
A tous les alcools de votre imaginaire

Vous sortirez Ravel, Bach, Falla, Debussy
Et tous les autres de leur ultime demeure
Vous les réveillerez et les voisins aussi
Tant vous ferez de bruit, le soir après plus d’heure
Et de leurs symphonies, vous ferez vos discours
De leurs textes sacrés, vous serez les prophètes
Poètes, musiciens, vous serez leur recours
Et tous viendront chanter et danser à vos fêtes!

Alors, sans plus jamais subir la trahison
Tu seras délivré de tes vieilles blessures
Et de ton mal de vivre enfin la guérison
Viendra dans ton coeur pur colmater ses fissures
Et tu n’auras plus mal à ceux qui t’ont fait mal
A ceux qui font plonger dans l’humaine misère
Tu ne souffriras plus dans ta chair d’animal
Et d’un dieu chimpanzé tu diras le rosaire
Un jour tu trouveras ce prince vagabond
Ce passager des vents qui vogue sur ta route
Et vous laisserez là le mal, ce moribond,
Des méchants vous mettrez les armées en déroute

Il ne t’en voudra pas si tu doutes de lui
Si dans tes cris parfois résonne encore la haine
Car l’enfant reste vif en toi, même aujourd’hui,
Pudique dans ses joies, extrême dans sa peine
Alors, accepte enfin la main qu’il te tendra
Son serrement plus fort qu’un serment qu’on abjure!
Et crois en l’Homme enfin, quand cet ami viendra
Car cet ami viendra, Léo, je te le jure
Alors, accepte enfin la main qu’il te tendra
Son serrement plus fort qu’un serment qu’on abjure
Et crois en l’Homme enfin, quand cet ami viendra
Car cet ami, c’est moi, Léo, je te le jure!