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Les paroles de la chanson
« Train de vie (le surcheval) »
Mes Aïeux

Alexis Lapointe était un bien drôle d’animal
Y avait des springs dans ses runnings, c’tait un athlète phénoménal
Allez faire un tour au Lac-Saint-Jean, pis trouvez-vous un centenaire
Il vous le dira tout-de-go "Bruny Surin, c’est d’ la p’tite bière!"
À p’tite école et au village, quand on l’ traitait de cabochon
Son père disait, tel un vieux sage "C’est avec tes jambes tu vas t’ faire un nom"
Il galopait soir et matin en faisant swigner ses grandes cannes
Tout l’ monde s’installait su’ l’ perron pour assister à ses shows d’ boucane

Un jour, un riche investisseur s’intéressa au phénomène
Se dit qu’en l’exploitant un peu, y pourrait faire une couple de cennes
Et à partir de ce jour-là, on l’exhiba dans des foires
Et des quatre coins du royaume, tout l’ monde se pressait pour le voir
Sur le plus rapide des pur-sang, il l’emportait haut la main
Pas essoufflé, l’air innocent, il distançait même les trains
Sa légende gagna du terrain, franchit les frontières du pays
Trouva l’oreille d’un promoteur quelque part aux États-Unis

Alexis, ralentis!
La gloire est un train qui file à vive allure
La crinière au vent, le pied dans l’ tapis
C’est sûr, tu vas finir par frapper ton mur
Tu t’essouffles pour épater la galerie

N’acceptant pas d’être second, comme tout bon Américain
Le promoteur défia notre homme de v’nir affronter son poulain
Piquées à vif dans leur orgueil, toutes les bonnes gensses du canton
Cassèrent leur cochon pour payer un billet d’ train à leur champion
Non seulement du gros cash en jeu mais notre fierté nationale
Pour qu’Alexis performe mieux, eût droit au service quatre étoiles
Dans l’hôtel le plus luxueux, on lui paya la meilleure chambre
Et en cadeau un quarante onces pour qu’il se frictionne les jambes

Mais si notre athlète possédait du cheval tous les attributs
Y avait la jugeote d’un mulet, l’ génie, c’tait pas sa plus grande vertu
La veille d’ la grande compétition, l’ trotteur partit sur la rumba
Cala son alcool à friction en compagnie de filles de joie
Le lendemain d’ brosse, son beau carrosse s’était transformé en citrouille
La gueule de bois, les yeux dans l’ beurre, il a eu l’air d’une vraie picouille
De r’tour au royaume du bleuet, la défaite fut dure à avaler
Devant une telle déconfiture, tout le canton l’ laissa tomber

Alexis, ralentis!
Hey, tu cours après quoi, tu cours après qui?
À c’t’ heure qu’y a pus personne sur la galerie
Hey, tu te prends pour quoi, tu te prends pour qui?
T’as pogné ta débarque, où sont tes vrais amis?

Triste comme une bête de cirque, ne connaissant que son numéro
S’accrochait à sa gloire passée pendant qu’on riait dans son dos
Sans public, sans chapiteau, a ben fallu s’ trouver une job ordinaire
Alexis s’engagea au CNR pour y bâtir des chemins d’fer
Il usa c’ qu’il lui restait de santé à piocher au bruit des moteurs
En revivant dans ses pensées, toutes ses courses contre des chevaux-vapeur

Un jour qu’il breakait pour le lunch, en janvier mil neuf cent vingt-quatre
Comme d’habitude, vers la cantine, il marchait lentement sur la track
Une ombre noire le suivait, s’en était-il seulement aperçu?
Le chauffeur d’ la locomotive à sa démarche l’a reconnu
"Hey! On va rire, j’ vas faire une farce au fameux Alexis le Trotteur
J’y envoye deux p’tits coups de sifflette et je pousse à fond les moteurs"
Mais Alexis était rendu sourd, a pas entendu venir le train
La machine lui passa sur le corps comme une jambette du destin
Le train lui broya les deux jambes, ses deux seules fidèles amies
Il traversa le fil d’arrivée et ce jour-là personne n’a ri

Alexis, ralentis!
Assis sur la galerie du Paradis
Toi, tu r’gardes d’en haut ceux qui te r’gardaient de haut
On court pis on s’énerve comme des p’tites fourmis
On s’épivarde, on s’éparpille comme des vraies queues d’ veaux
Hey, on court après quoi, on court après qui?
On s’essouffle pour épater la galerie
Hey, on se prend pour quoi, on se prend pour qui?
On court après nos vies, ça en vaut-tu le prix?

Hue, Popée! Hue!